Une sanction peut-elle être infligée à un salarié suite à son témoignage dans un cas de harcèlement ?

Réponse

Accepter de livrer son témoignage pour aider un collègue victime de harcèlement n'est pas chose aisée. Le salarié est pris entre sa volonté d'aider son collègue et la crainte d'une sanction de la part du harceleur, surtout s'il s'agit d'un responsable hiérarchique.
C'est pourquoi la loi protège les salariés en prévoyant que l'employeur ne peut prendre aucune mesure discriminatoire, ni a fortiori sanctionner ou licencier un salarié témoin d'actes de harcèlement. Un licenciement sur ce motif serait annulé et le salarié réintégré (Cass. soc., 5 juillet 2011, n° 09-72.909).
Notez que cette protection s'applique même si les faits de harcèlement ne sont au final établis, à condition toutefois que le témoin ait été de bonne foi.
Mais pour établir la mauvaise foi du témoin, il ne suffit pas de démontrer que les faits dénoncés ne sont pas établis. Une telle mauvaise foi ne peut résulter que de la connaissance par le salarié de la fausseté des faits qu'il dénonce.
Notez-le : la mauvaise foi a ainsi été reconnue dans le cas d'une salariée qui, compte tenu de ses fonctions de secrétaire, connaissait parfaitement les caractéristiques habituelles des courriers de l'association. En conséquence, un simple examen du document lui était suffisant pour reconnaître immédiatement le caractère frauduleux du courrier dont elle avait fait usage en parfaite connaissance de cause.
Par ailleurs, pour que l'auteur d'une dénonciation de faits de harcèlement puisse se prévaloir de l'immunité posée par le Code du travail, la Cour de cassation pose une nouvelle condition : le salarié doit avoir expressément qualifié les faits de harcèlement. Le salarié qui a dénoncé des agissements sans les qualifier de harcèlement moral ne pourra donc pas obtenir l'annulation de son licenciement au motif qu'il serait motivé, ne serait-ce qu'en partie, par référence à cet acte de dénonciation.
Mais le droit et la pratique ne coïncident pas nécessairement. D'où un certain nombre de précautions à prendre. Le salarié témoin de faits de harcèlement ne doit pas s'isoler. Au contraire, il lui est conseillé de se rapprocher des membres du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail, des délégués du personnel, des syndicats, du médecin du travail, de l'inspecteur du travail pour les informer de la situation, les forcer à réagir.
Il est aussi utile de garder des traces écrites de son action : mails, courriers, SMS, afin de se ménager des preuves écrites au cas où le harceleur serait tenté d'intimider le salarié témoin.
Le témoin n'a pas qu'un rôle de soutien « passif » auprès de la victime. Il peut aussi être actif et intenter lui-même une action en justice auprès du conseil de prud'hommes pour faire cesser ces agissements et demander réparation du préjudice subi.
Il doit alors établir des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement. Le juge peut ordonner, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.


Intervention des représentants du personnel
Les représentants du personnel peuvent conseiller le salarié de bonne foi victime d'une sanction et intervenir auprès de l'employeur. En effet, les situations de harcèlement permettent aux représentants du personnel au CSE de déclencher l'alerte en cas d'atteinte aux droits du personnel ou pour danger grave et imminent. Cette alerte impose à l'employeur d'effectuer sans délai une enquête conjointe et de déterminer les mesures à arrêter. En cas de désaccord persistant, les représentants pourront saisir le conseil de prud'hommes ou l'inspection du travail.


Références aux textes officiels
C. trav., art. L. 1152-2 et L. 1153-3 (nullité des sanctions infligées au salarié ayant rapporté des faits de harcèlement)
Cass. soc., 10 mars 2009, n° 07-44.092 (nullité du licenciement du salarié ayant rapporté des faits de harcèlement en l'absence de démonstration de sa mauvaise foi)
Cass. soc., 7 février 2012, n° 10-18.035 (la mauvaise foi du témoin de faits de harcèlement ne peut résulter que de la connaissance par le salarié de la fausseté des faits dénoncés)
Cass. soc., 7 février 2018, n° 16-19.594 (une secrétaire qui utilise un faux courrier dont ses fonctions de secrétaire lui permettaient d'identifier immédiatement le caractère frauduleux est de mauvaise foi et ne peut se prévaloir de l'immunité accordée aux personnes relatant un harcèlement)
Cass. soc., 21 mars 2018, n° 16-24.350 (le salarié qui relate des faits qualifiés par lui de harcèlement moral ne peut être licencié pour ce motif, sauf mauvaise foi)